vendredi 28 août 2009

Critique "Sur mes lèvres"


Sur mes lèvres (France, 2001).
Un film de Jacques Audiard. Ecrit par Jacques Audiard et Tonino Benacquista.
Avec : Emmanuelle Devos (Carla), Vincent Cassel (Paul Angély), Olivier Gourmet (Marchand), Olivier Perrier (Masson)...

Ce secret silence

Sur mes lèvres s’ouvre sur un personnage apeuré, diminué par un handicap marginalisant, dans la peur constante d’être raillé. Carla était sourde, dorénavant elle est juste « sourdingue » grâce à un appareil qui amplifie les sons et les bruits. Elle lape l’eau, baisse les yeux sous le poids du regard de l’autre, honnie de ceux que la différence horrifie.

Enfermée dans une infériorité qu’elle subit sans discuter, se craquelant un peu plus sous chaque assaut de la haine, elle profite d’une occasion en or pour quitter sa solitude : engager un assistant pour l’aider dans son travail de secrétaire d’une agence immobilière. Carla – Emmanuelle Devos – s’empare de cet autre être apeuré et se retrouve responsable de sa réinsertion sociale.

Jacques Audiard filme les contradictions de ses personnages comme il filme leurs tourments, dans une fulgurance d’images, de sons et d’émotions : sa direction magnifie les interprétations d’Emmanuelle Devos et de Vincent Cassel, couple improbable qui pourtant fera preuves indiscutables de la puissance d’un amour invisible ou plutôt inouï. En effet, Carla lit sur les lèvres, sublime parabole d’un environnement qui assaille de trivialités en permanence. Elle choisit ce(ux) qu’elle entend d’une pression sur un bouton ou d’une concentration sur une syllabe prononcée.

Le tandem entre l’ex taulard et l’handicapée ne fonctionne, au début, qu’à cause de leurs besoins immédiats. Ce n’est que grâce à l’ouverture au monde proposée par l’un et la foi proposée par l’autre qu’il pourra être transcendé. Jacques Audiard choisit de filmer leurs échanges comme des batailles sans guerre, sans vainqueurs et sans vaincus. Sa mise en scène, entérinée par un montage définitivement pudique, magnifie une sensualité de ceux qui tentent d’ignorer qu’ils s’aiment et contenir leur désir.

Un travail important, fondamental même, est aussi à reconnaître : c’est celui de la création sonore, qui s’allie parfaitement à la puissance visuelle qu’elle complète, non pas en redondance mais comme un miroir parfait de ce que l’on ne saurait voir.

Le prétexte du film de genre est un choix radical. S’il n’utilise pas la métaphore, il risque de tomber dans l’anecdotique voire l’éphémère.

Ici ce n’est certainement pas le cas, Carla et Paul ne sont pas érigés en symboles mais établis comme humains, imparfaits au possible, incomplets au plausible et passionnés. La séquence où Paul transmet ses « dernières volontés » à Carla à travers la fenêtre est charnière dans le traitement qu’en fait Jacques Audiard, autant au son qu’à l’image.

Nous avons affaire à un film humaniste, empruntant ses prétextes à un genre pour en transcender les contingences avec, incessamment, une générosité dans ce qui est offert à l’interprétation, à la vision, à l’émotion et au rêve.

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